« Tu es sûre de vouloir partir ? » murmura-t-elle tout en prenant sa sœur dans ses bras. La sœur de Sloane avait toujours été très émotive et attachée à sa sœur mais depuis qu'elle lui avait annoncé son départ pour Caerphilly elle était devenue de plus en plus collante et insistante.
« Grace... Caerphilly est à 15 km d'ici ! On ne va pas arrêter de se voir tu sais ! » Sloane savait que c'était dur pour sa petite sœur, néanmoins elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle exagérait. Elles avaient toujours été très proche et ce malgré les six années qui les séparaient, la différence d'âge était encore plus grande avec ses deux autres petits frères. Il était grand temps que la jeune femme prenne son envol, qu'elle quitte définitivement le cocon familial. Certes elle n'avait que vingt-ans mais elle savait qu'elle faisait le bon choix en emménageant avec son petit-ami dans une nouvelle ville. Sloane repoussa légèrement sa cadette, qui s'empressa de la contredire.
« Tu as dit la même chose quand t'es partie à la fac ! Et on t'a pas vue pendant deux mois !» Elle marquait un point. Grace ne savait pas ce que l'université avait été. Sloane s'était littéralement acharnée ses deux dernières années, entre le cours et le boulot le seul temps qui restait avait été réservé à son sommeil. Définitivement elle allait tenter de la faire changer d'avais jusqu'au bout.
« Tu sais que c'était différent ! Ma décision est prise de toute façon... » Grace soupira, elle aurait tellement aimé que sa sœur reste encore un peu avec elle. Elle allait être la seule fille restante et ça elle ne le voulait vraiment pas ! Et puis, avec qui est-ce qu'elle partagerait sa chambre désormais ? Sloane vérifia une dernière fois que tous ses cartons étaient bien emballés et que rien ne manquait une dernière fois avant de quitter sa chambre. Grace boudait désormais, les pleurs n'allaient sans doute pas tarder.
« Promets moi au moins que tu viendra les week-ends !» Sloane ne pu s'empêcher de sourire face à sa soeur qui tentait de rester stoïque. Elle la pris une dernière fois dans ses bras et déclara.
« C'est promis !» AOUT 2004, CARDIFF
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Un dîner comme les autres était sur le point de se dérouler. A la seule différence que pour une fois ce n'était pas Sloane qui avait cuisiné mais son petit-ami. C'était bien la première fois depuis quatre ans que cela arrivait et cela en faisait donc une occasion spéciale, ils fêtaient leur quatre années ensemble. Quatre années de bonheur, de galère mais aussi d'amour. Tout n'avait pas été rose ces derniers mois, surtout depuis que Nathaniel avait perdu son travail la jeune femme enchaînait les heures supplémentaires pour pouvoir subvenir au besoin du foyer, ou plutôt pour au moins payer le loyer. Cela expliquait aussi pourquoi ils n'allaient pas fêter l'événement au restaurant, ils n'en avaient pas les moyens. Du moins Sloane n'en avait pas les moyens, elle aurait aimé pouvoir se le permettre mais c'était soit ça soit payer la facture d'électricité. Or, le choix était vite fait. Malheureusement et comme depuis plusieurs semaines déjà la jeune femme rentra avec une demi-heure de retard du magasin. Elle avait dû faire la fermeture encore une fois, chose qui déplaisait fortement au jeune homme. Elle n'eut pas le temps de dire qu'elle était désolée que la voix de son petit-ami retentit.
« T'es en retard... » Elle décela du reproche et de l'amertume dans sa voix. Elle remarqua alors la table qu'il avait dressé et toute la décoration romantique qu'il avait installé. Et en fond, il y avait Nathaniel avachit sur sa chaise, une bouteille de champagne à la main. Sloane trouvait cela tellement adorable, elle savait qu'il n'était pas le genre d'homme à planifier ce genre de choses, ce qui la touchait encore plus. Néanmoins, le fait de le voir dans cet état ne la rassurait. Elle s'approcha alors de lui pour l'embrasser mais il la repoussa.
« Tout est foutu maintenant... C'est froid ! La ponctualité c'est vraiment pas ton truc !» dit-il en désignant les plats. Elle pouvait comprendre qu'il soit agacé mais elle n'y pouvait rien au final. Elle n'avait pas forcé le client à rester un peu plus longtemps et à le retarder quand même.
« Je suis désolée... J'ai dû faire la fermeture ! Mais on peut toujours réchauffer... » Sloane voyait petit à petit leur dîner tomber à l'eau. Elle avait un mauvais pressentiment concernant l'avancée de cette soirée. Elle vit alors son petit-ami se lever et lui faire face, il bu une nouvelle gorgée d'alcool directement à la bouteille et ria nerveusement.
« Tu crois vraiment que je suis débile, Sloane ?! » La jeune femme ne comprenait pas ce qu'il insinuait, encore moins ce revirement de situation. Elle devina que Nate était bien plus alcoolisé qu'il ne l'avait laissé paraître.
« T'as toujours ton excuse à la con ! La fermeture, sérieusement ? Dis plutôt que tu t'es laissée sauter par le patron, ouais! » Sloane n'en revenait pas ses yeux, est-ce qu'elle venait d'halluciner ses propos ? Non et ce n'était pas la première fois qu'il insinuait ça. En d'autres circonstances elle l'aurait certainement baffé.
« Tu racontes n'importe quoi ! » Puis elle ajouta que l'alcool lui était monté à la tête, que si elle bossait autant c'était pour eux et qu'elle n'en revenait pas qu'il puisse dire ça. Elle vit alors le visage d'un tout autre homme, une face cachée de l'homme qu'elle aimait. C'était la première fois qu'elle le voyait dans cet état et honnêtement elle ne le reconnaissait pas, il n'était plus la personne dont elle était tombée amoureuse et cela la terrifiait. La dispute dégénéra et elle tenta de s'en aller, elle s'était dit que passer la nuit ailleurs leur permettrait de se calmer. Cependant il ne la laissa pas partir, ce fut la première fois qu'il posa la main sur elle.
NOVEMBRE 2008, CAERPHILLY
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Sloan était prostrée dans ce recoin de sa chambre. Paralysée, incapable de quoi que ce soit, sinon de pleurer toutes les larmes de son corps. Ses bras tentaient de protéger son visage des coups que lui infligeait l'homme qu'elle aimait. Il avait pourtant promis qu'il avait changé. Elle s'était laissée convaincre, naïvement et l'avait laissé revenir dans sa vie. Elle aurait dû se douter qu'il se défoulerait à nouveau sur elle, tout prétexte était bon pour frapper la jeune femme. Il était entré de force dans son appartement, lieu où elle s'était cru en sécurité jusqu'à alors. Et pourtant il était rentré. Elle avait beau essayé de protester, de s'opposer elle ne faisait pas le poids. Il avait crié si fort, hurlé sa colère, prétextant que son comportement était inacceptable et qu'elle n'était une aguicheuse, une catin. Face à ses coups, elle avait d'abord essayé de se débattre, d'appeler au secours mais en vain.... Elle comptait les secondes, les minutes, les éventuelles heures - tout lui paraissait tellement flou et hors de portée. Elle poussa un dernier cri de désespoir, elle savait que si personne ne venait la sauver maintenant elle ne sortirait plus jamais de cette chambre. Elle ferma les yeux, en espérant que bientôt elle ne sentirait plus la violence de ses coups. Sloane ne réalisa pas immédiatement que quelqu'un d'autre était entré dans son appartement, elle pensa à un bref moment de répit entre deux injures. Ce n'est que après quelques secondes qu'elle réalisa qu'un petit groupe de personnes était présent, que son agresseur avait été stoppé. Cependant elle ne voulait pas que qui que ce soit la voit dans cet état lamentable, assise, la tête entre les genoux, cachant les ecchymoses qui commençaient à parsemer son corps frêle et son visage ensanglanté. Elle n'eut pas d'autre choix que de baisser la garde, le pompier qui l'avait sauvé tentait de la rassurer et instinctivement elle se débattait. Sloane était effrayée, humiliée et ne voulait pas qui que ce soit la touche désormais.
« C’est fini, c’est fini, vous êtes en sécurité, tout est terminé ! » Était-ce vraiment fini ? Sloane aurait aimé que ce soit le cas. Elle n'arrivait pas à raisonner correctement, son monde venait de s'écrouler sous ses yeux. Le pompier la souleva malgré ses protestations et la jeune femme compris qu'il ne lui voulait aucun mal, que ses intentions étaient pures. Jamais encore elle n'étreignit quelqu'un aussi fort, c'était comme si elle s'accrochait à la vie. A l'espoir qu'une vie meilleure l'attendait.
MARS 2009, CAERPHILLY
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C'était une fin de soirée comme les autres, Sloane avait presque terminé son travail derrière le bar. Dans quelques minutes elle allait pouvoir fermer l'établissement et rentrer chez elle se reposer, avant d'entamer une nouvelle journée de travail. Dernièrement la jeune femme travaillait d'arrache-pied, elle n'avait que très peu de temps libre et d'ailleurs elle n'avait pas le choix non plus, il fallait qu'elle paye les factures. Ainsi il ne lui reste que très peu de temps pour penser à son pensée et broyer du noir. La jeune femme était en train d'essuyer un verre quand son patron l'interpella.
« Hey, Sloane ! Tu peux y aller, y a un type qui t'attend dehors ! » Très charmant. Barry, son patron ne semblait pas du tout inquiet du fait qu'un "type" l'attende dehors à une telle heure. Néanmoins il n'existait pas beaucoup de possibilités, soit il s'agissait d'un de ses clients un peu trop alcoolisé soit il s'agissait de celui qu'elle considérait comme son sauveur, son ange gardien. La jeune femme se dépêcha de nettoyer les verres restant, pris ses affaires et avec appréhension sortit du bar. C'est rassurée qu'elle remarqua que c'était Samuel qui l'attendait. Ce qui était moins rassurant et qu'il était sur le point de déclencher une bagarre. Sloane devina qu'il était alcoolisé, et même fortement alcoolisé. Elle ne savait même pas comment il était encore capable de tenir sur ses jambes. Elle dû intervenir pour les séparer, heureusement l'homme en face semblait bien moins intoxiqué.
« Viens Samuel... Ça n'en vaut pas la peine ! » En y pensant c'était le comble, il avait peut-être eu l'intention de la raccompagner mais c'est le contraire qui allait se dérouler. Elle allait devoir s'occuper de lui ce soir, le ramener chez lui sain et sauf - elle lui devait bien ça. Finalement ils marchèrent jusqu'à l'appartement de la jeune femme, elle n'avait pas réussi à trouver les clés de Samuel et il était hors de question qu'elle le laisse seul désormais. De plus, il avait plus que l'habitude de dormir chez elle. Sloane avait du mal à le guider et à l'aider à ne pas tituber, il devait mesurer au moins une trentaine de centimètres de plus que la blondinette. Sans parler du fait qu'il avoisinait presque le double de son poids. Ils arrivèrent finalement à l'appartement de la jeune femme et Samuel s'échoua sur son lit. La jeune femme avait pour projet de prendre une douche avant d'aller se coucher mais elle fut interrompue par son invité, qui la retint par le bras.
« Diane... Reste avec moi... » articula Samuel. Sloane su alors que c'était plus grave que ça en avait l'air, il venait de l'appeler par le prénom de sa défunte épouse. Elle aurait pu se vexer, elle aurait dû le corriger mais tout ce qu'elle voyait était la peine qu'il ressentait. La jeune femme ne voulait pas qu'il souffre, elle l'aimait trop pour ça. C'est ainsi qu'elle se coucha à ses côtés, elle ferait n'importe quoi si seulement cela pouvait apaiser la peine et la douleur que Samuel ressentait.
JUILLET 2014, CAERPHILLY